LA PASSION DE L’INNOCENT
La liturgie de ce dernier dimanche de Carême nous invite à contempler ce Dieu qui, par amour, est descendu à notre rencontre, a partagé notre humanité, s’est fait serviteur des hommes, s’est laissé tuer pour vaincre l’égoïsme et le péché. La croix (que la liturgie de ce dimanche place à l’horizon près de Jésus) nous présente la leçon suprême, la dernière étape de ce chemin de vie nouvelle que, en Jésus, Dieu nous propose : donner la vie par amour.
La première lecture nous présente un prophète anonyme, appelé par Dieu pour témoigner de la Parole de salut parmi les nations. Malgré les souffrances et les persécutions, le prophète a fait confiance à Dieu et a exécuté, avec une fidélité obstinée, les plans de Dieu. Les premiers chrétiens voyaient dans ce « serviteur » la figure de Jésus.
La deuxième lecture nous présente l’exemple du Christ. Il a renoncé à l’orgueil et à l’arrogance pour choisir l’obéissance au Père et le service des hommes, jusqu’au don de la vie. C’est ce même mode de vie que la Parole de Dieu nous propose.
L’Evangile nous invite à contempler la passion et la mort de Jésus. La mort de Jésus doit être comprise dans le contexte de sa vie. Très tôt, Jésus s’est rendu compte que le Père l’appelait à une mission : annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir les cœurs blessés, libérer les opprimés. Pour mener à bien ce projet, Jésus a parcouru les chemins de la Palestine « faisant le bien » et annonçant l’approche d’un monde nouveau, de vie, de liberté, de paix et d’amour pour tous. Il enseignait que Dieu était amour et qu’il n’excluait personne, pas même les pécheurs ; enseignait que les lépreux, les paralytiques, les aveugles ne devaient pas être marginalisés, car ils n’étaient pas maudits par Dieu ; il enseignait que les pauvres et les exclus étaient les favoris de Dieu et ceux qui avaient le cœur le plus ouvert pour accueillir le Royaume ; et avertissait les « riches », les puissants, les installés, que l’égoïsme, l’orgueil, l’autosuffisance, la fermeture ne pouvaient mener qu’à la mort.
Le projet libérateur de Jésus s’est heurté – ce qui était inévitable – à l’atmosphère d’égoïsme, de mauvaise volonté et d’oppression qui dominait le monde. Les autorités politiques et religieuses se sentaient mal à l’aise avec la dénonciation de Jésus : elles n’étaient pas disposées à renoncer à ces mécanismes qui leur assuraient pouvoir, influence, domination, privilèges ; ils n’étaient pas disposés à s’y risquer, à se désinstaller et à accepter la conversion proposée par Jésus. Alors ils ont arrêté Jésus, l’ont jugé, l’ont condamné et l’ont cloué sur la croix.
La mort de Jésus est la conséquence logique de la proclamation du Royaume : elle résulte des tensions et des résistances que la proposition du « Royaume » a provoquées parmi ceux qui dominaient ce monde.
On peut aussi dire que la mort de Jésus est le point culminant de sa vie ; c’est l’affirmation ultime mais la plus radicale et la plus vraie (parce qu’elle est marquée de sang) de ce que Jésus a prêché en paroles et en gestes : amour, don total, service.
Célébrer la passion et la mort de Jésus, c’est être plongé dans la contemplation d’un Dieu que l’amour a fragilisé… Par amour, il est venu à notre rencontre, a assumé nos limites, a connu la faim, le sommeil, la fatigue, a connu la morsure de tentations, il a tremblé devant la mort, a sué du sang avant d’accepter la volonté du Père ; et, couché par terre, écrasé contre la terre, trahi, abandonné, incompris, il continua d’aimer. De cet amour résulta la pleine vie.
Contempler la croix où se manifestent l’amour et le don de Jésus signifie assumer la même attitude et se montrer solidaire avec ceux qui sont crucifiés en ce monde.
C’est dénoncer tout ce qui génère la haine, la division, la peur, en termes de structures, de valeurs, de pratiques, d’idéologies. Cela signifie empêcher les hommes de continuer à crucifier d’autres hommes. C’est apprendre de Jésus à donner sa vie par amour… Vivre ainsi peut conduire à la mort ; mais le chrétien sait qu’aimer comme Jésus, c’est vivre sur la base d’une dynamique que la mort ne peut vaincre : l’amour engendre la vie nouvelle et introduit dans notre chair les dynamismes de la résurrection.
Que cette semaine soit « sainte » dans les moments quotidiens de rencontre avec Jésus-Christ !
Essayons, chaque jour, de vivre avec Lui, un moment de prière, de méditation, d’adoration et de participation aux riches célébrations de cette semaine.