« PARMI VOUS, IL NE DOIT PAS EN ÊTRE AINSI »
La liturgie d’aujourd’hui nous rappelle, une fois de plus, que la logique de
Dieu est différente de la logique du monde. Elle nous invite à renoncer à
nos projets personnels de puissance et de grandeur et à faire de notre vie
un service à nos frères et sœurs. C’est dans l’amour et l’abandon de ceux
qui servent humblement les frères que Dieu offre aux hommes la vie
éternelle et vraie.
La première lecture nous présente la figure d’un « Serviteur de Dieu »,
insignifiant et méprisé des hommes, mais à travers lequel se révèlent la
vie et le salut de Dieu. Elle nous rappelle qu’une vie vécue dans la
simplicité, l’humilité, le sacrifice, le don de soi n’est pas, aux yeux de Dieu,
une vie maudite, perdue, ratée ; mais c’est une vie féconde et pleinement
épanouie qui apportera libération et espérance au monde et aux hommes.
Dans l’Évangile, Jésus invite les disciples à ne pas se laisser manipuler par
des rêves personnels d’ambition, de grandeur, de puissance et de
domination, mais à faire de leur vie un don d’amour et de service. Appelés
à suivre le Fils de l’Homme, les disciples doivent témoigner d’un ordre
nouveau et proposer, par leur exemple, un monde libéré de la puissance
qui asservit.
L’expression « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour
servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » résume
admirablement l’existence humaine de Jésus… Dès le premier instant, il
refusa les tentations de l’ambition, de la puissance, de grandeur, des
applaudissements des foules. Dès le premier instant, il a fait de sa vie un
service aux pauvres, aux défavorisés, aux pécheurs, aux marginalisés, aux
derniers. Le point culminant de cette vie de don de soi et de service fut sa
mort sur la croix – l’expression maximale et totale de son amour pour les
hommes. Nous devons être conscients que cette valeur de service n’est
pas un élément accidentel ou accessoire, mais un élément essentiel dans
la vie et le but de Jésus… Il est venu dans le monde pour servir et a placé le
service simple et humble au centre de sa vie et de Son projet. C’est
quelque chose qui ne peut être ignoré et qui doit être au centre de
l’expérience chrétienne. Nous, disciples de Jésus, devons être pleinement
conscients de cette réalité.
Aujourd’hui, nous sommes tous invités à repenser notre façon de nous
situer, que ce soit en famille, à l’école, au travail ou en société. Le chrétien
doit témoigner d’un nouvel ordre dans son espace familial, en se plaçant
dans une attitude de service et non dans une attitude d’imposition et
d’exigence ; le chrétien doit témoigner d’un nouvel ordre dans son espace
de travail, en évitant toute attitude d’injustice ou d’arrogance envers ceux
qu’il dirige et coordonne ; le chrétien doit toujours considérer l’autorité
qui lui est confiée comme un service, accompli dans une recherche
attentive et cohérente du bien commun…
Dans la communauté chrétienne, nous trouvons aussi souvent la tentation
de nous organiser selon des principes de pouvoir, d’autorité, de
prédominance, dans les bonnes manières du monde. Nous savons par
l’histoire que chaque fois que l’Église a essayé ces voies, elle s’est
détournée de sa mission, elle a rendu un mauvais témoignage et est
devenue un scandale pour tant d’hommes et de femmes bien
intentionnés… D’autre part, nous témoignons chaque jour, dans nos
communautés, comment les comportements arrogants créent des
divisions, des rancunes, de l’envie, de l’aliénation… Qu’il n’y ait aucun
doute : l’autorité qui n’est pas amour et service est incompatible avec la
dynamique du Royaume. Nous, disciples de Jésus, ne pouvons en aucun
cas être d’accord avec la logique du monde
En seconde lecture, l’auteur de la Lettre aux Hébreux nous parle d’un Dieu
qui aime l’homme d’un amour illimité et qui, par conséquent, est prêt à
accepter la fragilité de l’homme, à se mettre à sa hauteur, à partager son
état. Il ne se cache pas derrière son pouvoir et sa toute-puissance, mais
accepte de rencontrer les hommes pour leur offrir son amour.
En célébrant cette Eucharistie, nous demandons au Seigneur qu’il nous
guide sur le chemin d’une vraie conversion ; qu’il nous donne force et
courage pour chercher, non à être servi, mais à servir.