“QUE VOTRE CŒUR NE SOIT PAS BOULEVERSÉ »
Où allons-nous ? Où sont ceux que nous aimons et qui ont déjà accompli leur chemin ici-bas ? La liturgie de la Commémoration du Jour des Morts nous invite à considérer Dieu comme notre but, notre horizon ultime. Non, nous ne sommes pas condamnés à nous dissoudre dans le néant, à terminer notre vie dans les ténèbres, sans espoir ni sens ; nous sommes destinés à rencontrer Dieu, à vivre en pleine communion avec Lui, à savourer une vie nouvelle et éternelle dans les bras d’un Père qui nous aime infiniment, à connaître un bonheur que nos pauvres mots humains ne pourront jamais décrire.
Nous ne sommes pas comme des êtres à la dérive dans un immense chaos sans aucun sens. Non, nous dit Isaïe dans la première lecture. Un festin se prépare pour tous les peuples sur la montagne. Notre vie a un sens. Elle se morcelle dans le temps, bien sûr, mais elle est remplie d’une présence. Elle a été, elle est sauvée par Celui en qui nous espérons. « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés. » C’est lui le Seigneur qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. Le premier il est passé de la mort à la vie nouvelle, premier-né d’une multitude de frères et sœurs.
Nous sommes promis, destinés, à ce qu’il a appelé le salut. C’est une promesse que Dieu lui-même nous fait. Et ce salut, cette vie éternelle, St Paul nous a dit que c’est ça la résurrection. C’est un mystère précise-t-il, c’est-à-dire une réalité en cours de dévoilement, quelque chose que nous ne pouvons pas encore comprendre pleinement aujourd’hui, mais qui va un jour s’éclairer pour nous.
Dans le passage de l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus explique à ses apôtres la raison de son départ. S’il va mourir, ressusciter et monter au ciel, c’est pour nous préparer une place. Quelle est cette place que le Seigneur a prévue pour nous ? Quelles sont ces « nombreuses demeures » où nous pourrons emménager ? Parfois, on imagine un palais aux mille chambres, ou un immense hôtel, un grand jardin… Cependant, les palais les plus luxueux n’ont rien à voir avec la demeure que nous prépare le Seigneur. En effet, cette demeure n’est pas une question de mètres carrés. C’est une demeure sans dimensions, en dehors de l’espace et du temps. Cette demeure, c’est Dieu lui-même, dans lequel le Christ, vrai Dieu et vrai homme, va entrer, et nous laisser entrer avec lui. La vraie demeure, le vrai lieu de repos pour lequel nous avons été créés, c’est le cœur de Dieu. Comme le dit saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en toi. » Donc, « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ».
« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »
En prononçant ces paroles, le Seigneur explique comment demeurer en lui. La vie, la vraie vie, la vie éternelle, n’est rien d’autre que la vie de Dieu, à laquelle il nous invite à prendre part. Vivre de sa vie, cela veut dire me greffer à lui, laisser sa sève entrer dans mes branches, sentir son sang couler dans mes veines. Et cela n’est pas une étape qui ne commencerait qu’après ma mort ! Non, dès ici-bas, dès maintenant, je peux participer à la vie même de Dieu.
Demeurer en Dieu, c’est aussi une question de vérité. En effet, je suis créé pour aimer et être aimé, et ce désir est tellement grand, tellement immense que seul un amour infini peut le rassasier. La vérité de mon être est que je suis fait pour être aimé sans limites et aimer à mon tour sans limites. Or, le seul qui puisse me donner cet amour, c’est celui qui a donné sa vie pour moi, c’est celui qui est mort pour que je puisse vivre. Voilà ce qui donne tout son sens à ma vie. Voilà la vérité de mon existence.
Finalement, pour arriver à cette demeure, le Seigneur me donne aussi un chemin. Cependant, il ne me le donne pas sous la forme de carte routière. Ce n’est pas un itinéraire avec toutes les étapes marquées à l’avance. Non, c’est un chemin que je découvre au fur et à mesure. À chaque tournant, j’aperçois un nouveau morceau de route. Parfois, dans le brouillard, je ne peux voir que le pas suivant. Mais c’est toujours suffisant pour avancer. Le Seigneur nous laisse toujours entrevoir une de ses traces afin que nous puissions marcher à sa suite et arriver ainsi à la rencontre définitive avec lui comme nos frères et sœurs qui sont déjà partis.
C’est dans cet esprit de solidarité et de tendresse que nous nous rappelons de nos amis et de nos parents défunts, de nos frères et sœurs partageant maintenant le « festin sur la montagne ».
Que notre prière s’unisse à la leur pour célébrer dans cette eucharistie, celui qui est toujours vivant : Jésus-Christ, hier, aujourd’hui et demain que nous annonçons dans cette Eucharistie, « jusqu’à ce qu’il vienne » (I Co 11, 26).
Homélie du dimanche 2 novembre

3 novembre 2025